Historique du Salon Page(s)

par Yves PEYRÉ, écrivain

La création en 1996 du Salon Page(s vient combler un manque.

C’est l’époque où une manifestation prenant en compte le livre de création cherche à se définir.

Plusieurs essais voient le jour mais seul persiste
à travers la durée le Salon Page(s. Complément indispensable du Salon du Livre qui se tourne vers la large diffusion et du Marché de la Poésie pour qui le texte prime, même si l’objet livre n’est pas délaissé, Page(s donne à voir toutes les facettes de l’art du livre.

La typographie et la mise en pages y sont à l’honneur, comme l’illustration par le biais des multiples partis de l’estampe et de la peinture (aquarelle, gouache) directement appliquée dans le livre.

La reliure n’est pas absente, loin de là. Le livre rare, le livre unique, le livre-objet, le livre manuscrit, le livre d’artiste ou de dialogue, autant de manières d’incarner la bibliophilie.

C’est en effet l’amour du livre qui porte les exposants (souvent de hardis expérimentateurs), les écrivains et les artistes, comme l’ensemble des visiteurs qui se pressent autour de ces insurrections brillantes qui redonnent au livre une portée sacrée.

Je n’ai pas manqué une seule cession au fil des années. Toujours à l’automne, dans la deuxième moitié du mois de novembre. D’abord, sous l’aile de la mairie du XIIIe arrondissement, puis au quai d’Austerlitz, assez vite à l’Espace Charenton dont la relative ingratitude est métamorphosée par l’objet, et enfin dans ce lieu d’une grande beauté qu’est le Palais de la Femme.

 

Après quelques années, à compter de 2004, la manifestation automnale est doublée par une cession printanière qui s’appelle d’abord Livres en mai avant de devenir Page(s en mai (pour le céder dès 2019 à Page(s de Printemps).
Elle éclot dans le cloître du lycée Henri IV, s’y tient jusqu’en 2013, et après une relâche et une parenthèse à l’Espace Paul Fort, elle gagne son écrin d’aujourd’hui, le Bastille Design Center, une ancienne quincaillerie dégageant un étonnant parfum d’exactitude. Le printemps réunit une quarantaine de participants contre une centaine pour la cession principale de l’automne.

L’esprit d’ouverture qui préside à la destinée de Page(s, le refus de trancher entre les divers possibles de l’invention livresque, la cohabitation de créateurs inspirés et d’amateurs pleins de fougue, voilà les raisons qui ont permis à cette manifestation de durer et de devenir un moment attendu.

Chaque année, des hommages et des saluts à des hôtes d’honneur enrichissent l’événement. On vient, on cherche. Je me souviens de moments de bonheur quand je contemplais les merveilles proposées sur leur stand par Jean-Jacques Sergent et par Michel Nitabah, pour m’en tenir à des inventeurs qui n’exposent plus.

Tous les ans, c’est le même rituel : on découvre le carré toujours magnifique des relieurs, on visite une douzaine de tables où des créateurs qui tranchent montrent leur production hors norme, enfin on se laisse aller à parcourir l’ensemble du salon, guettant les surprises et rendant grâce aux éblouissements.

On devient un familier et on se promet de revenir l’année suivante pour une nouvelle exploration des possibles du livre. Pour un enchantement qui renaît sans cesse.

Yves PEYRÉ
Écrivain, Directeur honoraire de la Bibliothèque Sainte-Geneviève et ancien Directeur de la Bibliothèque littéraire Jacques Doucet