Hommage à Tanguy Garric
De l’estampe au livre d’artiste, un parcours exceptionnelEn 2017, l’un des fondateurs du salon Page(s nous quittait.
Retour sur le parcours d’un taille-doucier hors pair, qui a assuré, pendant vingt ans, le maintien et le développement de notre association.
Tanguy Garric, né à Offenbourg (Allemagne) en 1952, est décédé le 2 octobre 2017.
Son enfance s’est déroulée en Bretagne. Mécanicien dans la marine marchande, il s’embarque pour la pêche au Grand Nord. Mais sa rencontre à Paris avec Donatella T. lui fait découvrir le monde de l’art et de la taille-douce. Il se forme alors aux techniques dites classiques (burin, pointe-sèche, manière noire… ) à l’atelier Rigal en 1973-1974, puis dans l’atelier Maeght, fin 1974-1975 pour les techniques plus contemporaines, en travaillant pour des artistes tels Miró, Tàpies, Ubac…
Il ouvre son premier atelier en 1977, rue des Suisses à Paris, puis, au début des années 1980, s’installe rue du Tage. Pendant une vingtaine d’années il accueille apprentis et artistes, et anime des stages de taille-douce à Tampere (Finlande) et à Séoul (Corée), où il créée des ateliers de gravure, impression, aciérage.
Il travaille longtemps pour Gana Art Beaubourg avec de nombreux artistes coréens vivant à Paris ou à Séoul : Kim Chang-Yul, Bang Hai-Ja, Kim Ki-Chang, Lee Jong-Sang…
Curieux et inventif, il cherche, ose, teste, affine, recommence… Ainsi exécute-t-il, pour et avec les artistes, des œuvres aux techniques parfois hétéroclites, mais au plus près de leurs désirs.
Il pratique la gravure au soufre avec Sicilia, Burattoni; aux essences de plantes avec Melin ou à l’aquatinte au sucre avec Pincemin ; et aussi avec Garouste, Ernest Pignon-Ernest, Pontoreau, Degottex, Viseux, Cortot, Kim Chang-Yul, Aurélie Nemours, Betty Goodwin, Mecarelli, Max Pappart…
Parallèlement, il crée sa propre maison d’édition (estampes et livres) avec des artistes comme Vieira Da Silva, Pincemin, Garouste, Cortot, Ernest Pignon-Ernest, Texier… dont il présente régulièrement les œuvres dans de nombreux salons en France, notamment au SAGA de 1988 à 1997, ainsi qu’en Corée, en Finlande, en Suède…
Intéressé par les nouvelles technologies, il est un des premiers à les intégrer aux procédés traditionnels : avec Cortot (collages, lithographies, photocopies, aquarelles, taille-douce), Donatella T. (manière noire, pointe-sèche et plaques polymères), Thibaut de Reimpré (infographie, plaques polymères).
Il développe l’infographie avec l’impression numérique: Fabrice Hybert (éditions Sollertis), Anne Ferrer (commande du Ministère de la Culture), Zhang Xiaogang (Kwai Po Collection, éditeur Hong-Kong).
Il se passionne également pour les procédés anciens en réinventant les techniques de la photographie argentique et de l’héliogravure au grain, sans trame, et réalise des estampes pour de nombreux photographes et artistes : Jean-Louis Bauret, Ariane Thézé, Christian Louis…
Tanguy Garric s’est aussi beaucoup investi dans la vie associative, et a créé plusieurs associations artistiques et culturelles. Il a notamment co-fondé l’association Page(s, qui compte aujourd’hui plus d’une centaine de membres, français et étrangers, et a joué un rôle primordial jusqu’en 2016 dans l’organisation de ses deux salons annuels, en assurant la pérennité d’une aventure dont le renom a dépassé les frontières nationales.
Tanguy Garric quitte Paris en 2003 pour installer son atelier à Bretoncelles, dans l’Orne. Il a été membre du Conseil des métiers d’art (2006-2009) et fait chevalier dans l’ordre des Arts et Lettres en 2007.
Son parcours, durant toutes ces années, a été celui d’un homme audacieux, tenace, talentueux et inventif. Il a su placer ces qualités au service de Page(s, qui lui en demeure reconnaissant.
Sources : Art et Métiers du Livre, n° 323 ;
Nouvelles de l’Estampe, n° 261.